La FOAD vu par des stagiaires, avantages, inconvénients et réflexions…

Je propose ici de présenter l’évaluation produite par des stagiaires de dispositifs de formation suivis en FOAD. Les cas choisis sont des formations professionnelles en alternance avec une répartition équilibrée de formation à distance, formation en présentiel et formation en alternance (à distance de l’organisme de formation car sur un lieu de stage).

Avant une analyse plus globale de dispositifs encadrés et de réflexions croisées avec des collègues, toujours dans le champ de la formation professionnelle en alternance, je vais livrer une évaluation brute produite par les stagiaires du BPJEPS TIC, formation d’animateur de lieux d’accès public à internet et ma propre expérience de stagiaire en formation à distance.

Évaluation de la formation à distance par un groupe en BPJEPS

Dans le cadre de ce BPJEPS TIC, j’ai choisi une méthodologie d’évaluation qui consiste à demander aux stagiaires de nommer trois points positifs et négatifs de leur ressenti sur cette expérience de formation à distance.
Voici la liste exhaustive des points énumérés.

Les Points positifs :

  • pas de perte de temps en déplacement, content d’être plus disponible à la maison (pour soi et son entourage)
  • nouvelle expérience enrichissante
  • travail en autonomie, qui demande une organisation (surtout à la maison) et une implication différente, se rendre compte du temps que l’on perd
  • supports et documentation à disposition, qui implique un travail à la fois technique et de recherche
  • nécessité de s’organiser et de trouver des solutions quand on est seul devant son ordinateur
  • travail par étape avec planning d’activités
  • expérimentation des nouveaux outils (web-conférence…)
  • réponses écrites fournies par les formateurs
  • travail sur la communication du groupe, utilisation d’une messagerie instantanée, connaissance des adresses mail des collègues
  • relations en individuel avec les formateurs

Les points négatifs :

  • gestion du temps difficile
  • difficulté de communication dans les groupes, par éloignement géographique
  • difficulté pour comprendre les consignes
  • problèmes techniques et de connexion
  • organisation des groupes insuffisamment préparé avant le module à distance (utilisation du téléphone pour s’organiser)
  • possibilité d’interruption au domicile (visites, famille, organisation de la maison…)
  • manque de retours critiques des formateurs sur les travaux fournis
  • saturation à la fin de la journée (éparpillement dans les conversations)
  • préférence pour le face à face humain

Et un dernier point que les stagiaires ont décidé de placer en remarque transversale pour la formation : cette expérience a permis de s’entraider à distance pour préparer un dossier écrit pour les certifications (entraide et relectures à distance pour produire les comptes-rendus de projet).

Un premier constat marquant est que les avantages sont très liés aux inconvénients, autonomie face à perte de repères, expérimentation d’outils face à difficultés techniques et économie de déplacements face à absence de contact physique, mais multiples contacts rendus possibles aussi.

Évaluation de mon expérience personnelle de stagiaire en formation à distance

Avant d’essayer une analyse plus globale, je vais relater une deuxième expérience. Je m’étais lancé dans la FOAD en 2003, après avoir moi même suivi une formation en FOAD. Cette expérience personnelle a eu lieu lors de la formation de Formateur Responsable Pédagogique dispensée par le CAFOC[1], avec une recherche de congruence[2] pour le module « Individualisation de la formation et formation à distance ». J’avais trouvé des avantages importants dans cette formule mixte (présentiel et distance), notamment pour l’articulation simplifiée avec les contraintes du lieu de stage qui était mon lieu professionnel (le CREPS Aquitaine).
Au vu de ma faible disponibilité (en rapport à des stagiaires en congé individuel de formation sur l’année complète, alors que pour ma part je ne pouvais suivre qu’un module par an et que j’ai fini le diplôme par une VAE), je n’avais vu que des avantages, même si j’avais observé les difficultés rencontrées par d’autres stagiaires:

  • gestion du temps à la carte, pour ma part 4 à 5 heures d’affilée en concentration maximum sans pauses et enchaînement sur une deuxième demi-journée professionnelle ou personnelle selon les jours
  • une incitation (voir une obligation pour attester la présence) à produire de nombreux écrits (d’où une facilité pour la certification de ce module où la part de l’écrit est importante)
  • des retours individualisés des formateurs sur mes productions
  • une libération de temps pour les échanges informels pendant le regroupement (vu la production et les retours individuels pendant les temps à distance qui me plaçaient en confiance sur le contenu de la formation)

En ce qui concerne les inconvénients, de nombreux stagiaires de ma promotion c’étaient plaints de difficultés techniques et de difficultés d’organisation du temps. Pour ma part, j’ai juste ressenti quelques difficultés lors de la prise en main de la plate forme de formation. Cette difficulté venait pour moi de savoir à quels moments je passais d’une relation inter individuel avec les formateurs à une relation avec l’ensemble du groupe.

Éléments d’analyses et réflexions

A la lumière de ces deux évaluations et de l’observation des dispositifs FOAD que j’ai encadrés ou accompagnés, je vais proposer mes éléments d’analyse en essayant d’avoir une vision distanciée face à ces évaluations à chaud.

Tout d’abord, pour moi, ce n’est en aucun cas une forme de solution miracle, les stagiaires ne présentant pas d’implications ou étant complètement perdus (les sélections sont rarement infaillibles!!) restent perdus, FOAD ou pas. Seul avantage dans cette situation, je ne signais pas d’attestation de présence suite aux non rendus des travaux demandés, ce qui évite un stagiaire présent et ayant émargé alors qu’il a passé son temps dans d’autres distances[3].
Par contre, je pensais que la forme écrite majoritaire requise par internet et les plate formes de FOAD augmenterait le nombre de stagiaires perdus. A chaque fois, j’ai constaté un équilibre, car pour certains stagiaires en apparente difficulté, grâce au recours récurent à l’écrit il s’est produit une mobilisation crescendo de capacité à écrire et à dire.

Créativité et autonomie

Un des avantages le plus cité est l’autonomie permise par ces modalités de formation. Mais c’est aussi une des principales critiques, les stagiaires se retrouvant, ou ayant l’impression d’être, livrés à eux-mêmes. Si on couple ce constat avec le plaisir d’expérimenter, par l’utilisation de nouveaux outils ou de modes d’apprentissages différents, c’est finalement une autonomie qui permet plus de créativité. Pour éclairer ce propos je citerai deux exemples :

  • en variant les consignes et en reprenant des idées présentées par Christophe Batier lors de la présentation de Spiral[4], j’ai testé des exercices où consignes et réponses devaient être sous forme de vidéos mises en ligne en direct avec sa webcam : les réponses sur le fond correspondaient à mes attendus, la forme quand à elle montrait la créativité de certains stagiaires
  • tout simplement, l’utilisation de nouveaux outils est permise et plausible vu la configuration (comment faire enregistrer simultanément leur voix à plusieurs stagiaires en même temps dans une salle de cours) de la formation, comme la production de tutoriel avec ScreenR, qui a ouvert d’autres possibles pour les stagiaires

L’observation des statistiques de connexion de la plate forme que j’utilisais a montré que les stagiaires avaient des rythmes de travail totalement différents. Certains commençaient à 6 heures du matin, d’autres travaillaient la nuit, ou le week-end, sans oublier ceux qui avaient besoin du cadre pour ne pas s’éparpiller et adoptaient avec exactitude les horaires de formation en centre, c’est à dire 9h-12h30 et 14h-17h30. Il y a donc pour moi réelle autonomie si un système peut respecter le rythme de travail de chacun.

Par contre, il ne faut effectivement pas perdre de vue que la complexité des outils, l’ergonomie particulière des plate forme et la fiabilité des outils et liaisons internet représentent souvent un frein à l’apprentissage et donc à toute forme d’autonomie ou de créativité. C’est donc des points à surveiller en permanence et qui nécessite une confrontation avec chaque groupe de stagiaires.

Une réelle plus-value pour l’intégration professionnelle

En reprenant ces évaluations à plus long terme, cela permet une prise en compte systémique de la formation par l’observation des effets produits sur l’environnement de la formation. Je voulais donc présenter deux exemples éclairés par des références extérieures :

  • la remarque transversale ajoutée par les stagiaires BPJEPS TIC (la FOAD a permis de s’entraider pour l’écriture des comptes-rendus de stage) montre que les temps de formation à distance ont facilité la construction d’un groupe  ou communauté de pratique au-delà du temps de formation en centre. Ceci a perduré longtemps après la formation même car j’avais laissé l’accès à la plate forme internet aux stagiaires et certains se sont emparé d’un rôle de professionnel référent, sorte de tuteur en ligne pour les nouvelles promotions de stagiaires.

Référence sur Thot cursus, notion de communauté de pratique:
Les communautés de pratiques quant à elles se forment surtout hors des espaces académiques de formation. Néanmoins, elles constituent aussi des espaces d’apprentissage pour leurs membres. La communauté de pratiques constitue sans doute la forme la plus élaborée de communauté apprenante volontaire, bien qu’elle soit probablement l’une des structures d’apprentissage parmi les plus anciennes. Les outils modernes nous font encore une fois redécouvrir des pratiques ancestrales.
Dossier Tuteurs et communautés (19) sur Thot Cursus

  • comme souvent j’avais un stagiaire dans le groupe qui possédait des diplômes supérieurs à celui visé mais aussi une forte expérience professionnelle. Il venait chercher une spécificité. Bien sûr, le BPJEPS permet de proposer des allègements de formation, mais la FOAD lui a permis de développer bien plus rapidement son projet professionnel. Effectivement, pendant un temps de formation à distance dont la thématique traitait du fonctionnement de sa structure de stage, je lui ai proposé d’aller plus loin en rencontrant les élus de la ville  et de confronter le projet de sa structure associative à leurs volontés politiques. Je n’aurai pas pu procéder à cette individualisation de son parcours de formation depuis la salle de cours. Grâce à sa motivation et mon guidage à distance il a même pu faire financer son projet de stage en étant retenu à un appel à projet régional…

C’est donc une référence sur l’outil qui transforme notre façon d’aborder la formation (dans mon cas c’était aussi bien l’outil FOAD qui permet une liberté d’individualisation que les outils web 2.0 utilisés pendant la formation qui l’ont inspiré pour créer un projet de “Visite Patrimoniale de la ville en balladodiffusion” ou TripTic … et qui m’ont inspiré en retour…), sur le site FFFOD:
(…) la manière de considérer les technologies :

  •  soit comme un outil pédagogique, moderne, indispensable car dans l’air du temps, mais qui reste un outil, comme le manuel scolaire ou le tableau
  •  soit comme l’élément qui transforme radicalement nos manières de travailler, de vivre ensemble, et donc d’apprendre, allant même jusqu’à modifier nos processus cognitifs.

Cela est aussi valable sur la dimension sociale des apprentissages, considérée par certains au mieux comme un supplément d’âme, au pire comme un gadget, et par d’autres comme l’élément structurant de tout apprentissage. (…)
Le billet de Frédéric Haeuw après les 9èmes rencontres du FFFOD

Des freins culturels liés au décompte horaire de la formation et du travail?

Pour terminer cet article, je reviendrai de manière plus pragmatique sur le dispositif à distance en lui même. En effet, les évaluations des stagiaires ainsi que mon évaluation personnelle en position de stagiaire, suggèrent une confrontation difficile au problème de l’évaluation horaire du travail issu de notre système de formation ainsi que du contexte professionnel, pointage horaire sans réelle prise en compte des temps informels.
Il est pour moi dommageable d’insister sur les fonctionnalités de décompte horaire des plate formes de FOAD mais plutôt d’aller vers une indication horaire liée à un travail à produire avec une exigence de qualité fournie avec précision par les formateurs.
Une formation à distance est une opportunité d’aller vers une évaluation de la qualité du travail et donc de l’objectif à atteindre. En effet, il me semble que cet aspect de la formation est plutôt utile pour former des personnes autonomes et travaillant dans l’objectif de réaliser la mission qui leur est confiée.

Publication originale : http://reseaufoad.wordpress.com/2011/12/01/la-foad-vu-par-des-stagiaires-avantages-inconvenients-et-reflexions/

[1] Centre Académique de Formation Continue de Bordeaux et la formation FRP proposée: http://cafoc-bordeaux.com/cafoc-formation-formateurs-formation-certifiante.html
[2] Voir “Soyons congruent” sur le blog de Frédéric Haeuw, http://www.haeuw.com/article-soyons-congruent-86854266.html, et une définition sur le site de l’académie de Paris, http://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_337400/vocabulaire-lie-a-la-pedagogie
[3] voir Jacques Carpentier et les distances lors de son intervention à l’ENVSN http://reseaufoad.wordpress.com/2011/11/16/intervention-de-jacques-carpentier-president-de-la-fied/
[4] Stage PNF du Réseau FOAD JS à l’ENV en 2008, voir le Blog de Christophe Batier et « Essai comparatif de plate forme FOAD »

Une réflexion sur “La FOAD vu par des stagiaires, avantages, inconvénients et réflexions…

Laisser un commentaire